Pouvez-vous nous expliquer votre rôle au sein du Syntec Numérique ?
Je suis délégué à la formation et à l’emploi au Syntec Numérique, j’ai en charge plus spécifiquement les questions tournant autour du renforcement de l’attractivité des métiers du numérique pour différents publics, en reconversion par exemple ; Je gère les partenariats avec des établissements d’enseignement supérieur pour pouvoir enrichir les programmes de formation et les faire coller aux évolutions des métiers du numérique afin que les gens soient bien formés et qu’ils répondent aux besoins de nos entreprises. C’est aussi et surtout l’accompagnement et le conseil des entreprises adhérentes au Syntec Numérique sur l’environnement juridique et le règlement autour de la formation plutôt professionnelle.
Aujourd’hui, le secteur du numérique est en pleine croissance, est-ce qu’on peut dire que c’est un secteur qui ne connaît pas la crise ?
Il se porte très bien, c’est quelque chose qui ne se dément pas depuis la crise de 2008 qui avait impacté tous les secteurs. La croissance est continue avec la création de 15 000 emplois nets sur l’année 2015, il y a toujours une année de décalage en fait dans ses chiffres de création d’emplois. C’est l’un des secteurs voire le secteur en France qui crée le plus d’emplois nets. Le taux de croissance annuelle en France était de + 4 % en 2015.
J’imagine que pour 2016 ce sera plus important ?
Oui, c’est la même tendance, les indicateurs sont au vert, 15 000 emplois créés en 2015, on devrait être minimum entre 12 000 et 13 000 emplois pour 2016. Il y a de belles perspectives encore et les prévisions d’embauche, que ce soient les entreprises de service numérique, les SSII, qu’on appelle aujourd’hui ESN (Entreprise de service numérique) ou les éditeurs de logiciels qui sont la locomotive du secteur. Si on isole au sein du numérique les éditeurs de logiciels spécifiques, le taux de croissance est de 10%.
Qui sont les acteurs du secteur (grands groupes, PME, consultants) ?
La filière numérique pour nous est plus large que le périmètre d’activité du Syntec Numérique parce que nous sommes très orientés prestations de service, on va être majoritairement sur des missions de logiciels, les entreprises de service numérique constituent le plus gros volume de salariés, et puis il y a les entreprises de conseil en technologies, qui interviennent au sein de grands donneurs d’ordre dans l’industrie pour les aider dans la conception de leur projet. Par exemple, dans l’aérospatiale, pour aider Airbus à concevoir son cockpit d’avion, ou chez Renault, pour l’aider à concevoir son moteur de voiture, il y a de plus en plus de numérique, de systèmes embarqués dans les outils qu’on utilise au quotidien. On peut citer aussi le secteur des télécoms, qui n’est pas dans le périmètre du Syntec Numérique, avec Orange, Bouygues, Free et SFR, il y a également d’autres secteurs d’activité qui embauchent de plus en plus de profils numériques, informatiques, je pense notamment à la banque et l’assurance, ce serait autour du développement informatique, d’applications mobiles. Aujourd’hui, la banque-assurance va recruter beaucoup de profils informatiques, c’est un secteur très porteur. On a autant de grandes entreprises très connues du grand public, sur le volet édition de logiciels, telles que Microsoft, IBM, Oracle, qui sont des grands acteurs internationaux. Côté français, on peut citer évidemment Capgemini, qui est au CAC40, Sopra Steria, une très grande entreprise. Et dans le secteur technologique, des entreprises comme ALTRAN, ALTEN, ou AKKA TECHNOLOGIE. Dans les autres secteurs, on parle de foisonnement, ce sont les PME voire les TPE, le dynamisme du secteur numérique se trouve là, c’est 80% des adhérents du Syntec numérique, 1800 entreprises adhérentes.
Pouvez-vous indiquer aux jeunes quels sont les métiers du numérique ? Et les métiers d’avenir dans ce secteur ?
Il y en a un qui ne changera pas, c’est le métier de développeur ou développeuse parce qu’on pense aussi au public féminin, on aimerait voir plus de femmes, ce métier est vraiment destiné à tous, vous pouvez y rentrer sur plusieurs niveaux d’études. Vous pouvez rentrer en tant que « codeur », sous les prérogatives d’un chef de projet, vous allez coder un programme informatique ou un logiciel, vous pouvez être recruté à bac+2, bac+3 dans l’édition de logiciels par exemple, ou dans d’autres secteurs comme la banque-assurance, parce que vous allez être en lien avec des clients ou aller en rendez-vous à l’extérieur, puis vous pouvez évoluer vers le poste de concepteur-développeur, qu’on appelle parfois l’ingénieur, études et développement (bac+5) plutôt recherché par les entreprises de service numérique, comme Capgemini et ATOS parce qu’on n’est plus simplement sur la fonction de codeur mais sur la fonction d’imaginer, de concevoir.
Ensuite, il y a les métiers qui touchent à la donnée, on parle de plus en plus de big data, on va avoir besoin de data analyst, des analystes de données, qui vont devoir se familiariser avec ces environnements big data et pouvoir travailler dans tous les secteurs d’activité. Il s’agit de profils bac+4, bac+5.
Il y a les métiers liés au marketing digital, le secteur est très dynamique, ça recrute beaucoup sur les métiers de community manager, webmarketer, analyste de trafic, chargé de référencement, webdesigner. Toutes les entreprises aujourd’hui ont un site internet qu’il faut pouvoir gérer, faire évoluer, voire complètement refondre, ça nécessite beaucoup de prestations de service. Sur les aspects communication, il n’y a plus de communication réellement efficace sans passer par les canaux web ou réseaux sociaux, c’est un peu le nerf de la guerre en terme de communication. Dans les cursus de formation en communication classique, aujourd’hui, il n’y a pas un parcours de formation qui n’intègre pas le volet marketing digital. Ce sont des métiers qui ne vont pas forcément recruter à bac+5, il n’y a pas besoin de très longues études, vous pouvez y accéder à bac+2, bac+3.
Dans tous les cas, pour faire du développement, de la data, du marketing digital, il n’y a pas forcément besoin de beaucoup d’expérience.
Pour quels métiers du numérique on peine à recruter ?
En France, sur l’ensemble du secteur du numérique, il y a environ 40 000 postes à pourvoir par an sur le métier de développeur et plus de 20 000 qui ne sont pas pourvus. On a du mal à attirer les jeunes et les filles vers ces métiers pourtant il y a beaucoup de recrutement en CDI et des perspectives d’évolution de carrière derrière. Peu de candidats s’orientent vers ces filières même s’il y en a de plus en plus qui émergent en développement informatique ou application mobile. L’offre de formation est là, elle existe mais il y a des écoles qui nous disent qu’elles ont du mal à recruter des candidats. On a aussi des décalages sur les profils, développeur est une clef d’entrée en tant que codeur, mais il faut quand même un bac+2, bac+3, on trouve aussi des autodidactes très bons dans tous les secteurs d’activité mais on manque un peu de recul pour voir s’ils sont en capacité d’être recrutés par les entreprises, s’ils arrivent à s’insérer sur le marché du travail. A mon sens, ça va venir, il faut être optimiste, parce qu’il y a la Grande Ecole du Numérique qui est arrivée depuis l’année dernière. On est aussi sur des profils autodidactes, sans forcément avec un niveau de diplôme associé, ces écoles innovantes qui vont proposer des formations sur un métier de développement.
Pour le moment, je préfère rester prudent car nous n’avons pas le recul nécessaire. Beaucoup d’écoles n’ont pas fini leur parcours de formation. Les jeunes ne sont pas encore rentrés sur le marché du travail. Typiquement, on ne sait pas encore dire s’il y a des embauches sur ces profils-là. Si on prend Ecole 42, elles forment des élites, la sélection y est drastique, ce n’est pas évident d’y rentrer, donc les profils qui y rentrent sont déjà très bons, peu importe leur niveau de diplômes. Ils ont fait un choix, c’est-à-dire qu’ils veulent former des pointures dans le domaine du développement informatique. Les candidats qui y sont commencent déjà à avoir des contacts avec des entreprises bien avant la fin de leur formation. Le simple fait d’être rentré à l’Ecole 42 montre le niveau du candidat.
Concernant les écoles de décrocheurs, c’est différent, les modes de sélection sont un peu plus ouverts, les formations ne sont pas les mêmes, et on s’interroge sur le devenir des candidats une fois sur le marché du travail.
On peine également à recruter dans les métiers de la data, parce qu’ils sont émergents, et donc, l’offre de formation arrive, elle est en train de se structurer, on en voit de plus en plus. Pour le moment, les profils sont très rares, par conséquent, les entreprises les payent très chers, c’est aussi pour motiver les jeunes.
Quelles formations sont reconnues aujourd’hui (gratuites, payantes, courtes, spécialisées) ?
Historiquement, au niveau du Syntec Numérique, nous étions très orientés écoles d’ingénieurs, c’est un peu le sésame, le passeport garanti pour l’emploi dans le numérique, quel que soit l’entreprise, c’est vrai qu’un ingénieur bac+5 informatique c’est le top. Beaucoup d’entreprises aujourd’hui continuent à ne chercher que des ingénieurs, or il y a une pénurie de candidats dans les écoles, elles ne trouveront jamais car elles cherchent toutes le même profil. Progressivement, on commence à diversifier les profils de recrutement, il y a des choses très intéressantes qui se passent dans le domaine universitaire, c’est plutôt démocratique, les coûts ne sont pas très élevés. Si je devais orienter un candidat sur un parcours classique, je lui conseillerai de se renseigner sur les DUT dans un premier temps, qu’il va pouvoir faire à l’université pour obtenir un bac+2, ensuite, de faire une licence professionnelle s’il est sur un cycle court, et il pourra postuler à des offres de développeur-codeur, webdesign ou des licences pro en marketing digital. Il aura la sécurité de l’emploi car il y a énormément de perspectives d’embauche derrière. Sinon, après un DUT en informatique (bac+2), il peut faire une prépa en un an pour rentrer dans une école d’ingénieur (bac+5). Il y a un vrai choix qui doit se faire en fin de dernière année de DUT, il faut dans ces cas-là que les étudiants n’hésitent pas à s’adresser à leurs enseignants parce que la plupart sont très au fait du secteur du numérique, parfois d’anciens salariés qui peuvent aider et orienter les étudiants.
Je conseille l’Université de Paris 13 Villetaneuse et les DUT qui sont proposés par ? dans le 93 qui proposent en plus des formations en ligne avec les besoins actuels (développement d’applications mobiles, marketing digital). Paris Descartes qui est une université de Paris 5 est aussi un IUT qui propose à peu près le même schéma d’orientation soit jusqu’à bac+3 ou bac+5.
La Web@cadémie est aussi une école gratuite, qui se trouve au Kremlin Bicêtre, dans les locaux d’Epita. Elle propose des formations en deux ans pour apprendre le métier de codeur. Elles sont destinées aux jeunes qui ont moins de 25 ans et qui n’ont pas le bac.
Concernant les formations proposées en trois mois pour devenir codeur, pour des gens qui n’ont jamais été dans le numérique avant, c’est à proscrire. Il faut au moins deux ans pour apprendre à bien coder. En 3 mois c’est possible, si le jeune en a fait un peu avant et s’il a un niveau d’études assez élevé.
Concernant les écoles privées, on va privilégier des écoles très bonnes, je parlais d’Epita, il y a aussi l’ETNA, et pour tout ce qui touche au marketing digital, il y a la Web School Factory à Paris et l’HETIC aussi, on a intégré par exemple des étudiants de chez eux qui ont fait des projets pour nous en interne, ils sont très bien formés et directement employables après leur formation.
Leur pédagogie est innovante, pour moi, c’est ça la Grande Ecole du numérique.
Il y a de nouvelles fonctions qui se créent mais les écoles ne s’adaptent pas assez vite. Quel est votre point de vue sur le rapprochement école-entreprise et le numérique ?
Ça va dans le bon sens, il y a une vraie prise de conscience même au niveau du Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche sur la nécessité de se rapprocher des secteurs professionnels. Le CSN’Num, Conseil Sectoriel National dédié au Numérique a été créé l’année dernière, il réunit des professionnels dont nous-mêmes, et des membres du Ministère, des présidents d’universités, pour travailler ensemble justement sur l’évolution des métiers du numérique, essayer d’aider les écoles à mieux anticiper les métiers émergents, les nouvelles compétences. On travaille sur du moyen terme parce que les métiers évoluent tellement vite, c’est l’équivalent d’un diplôme universitaire aujourd’hui (2/3 ans). Les écoles d’ingénieur n’ont pas ce problème là parce que c’est dans leur ADN d’être proche du monde de l’entreprise. Au niveau des universités, des DUT, c’est plutôt très positif depuis trois ans, il faut par contre laisser du temps à ces formations de vivre, que les candidats en sortent pour qu’ils arrivent sur le marché du travail et qu’ils puissent en tirer des bénéfices. Par exemple, de nombreuses formations en big data émergent aujourd’hui.
Comment voyez-vous le numérique dans 5 ans, dans 20 ans ?
Aujourd’hui, le numérique est partout, il fait partie de notre quotidien, bientôt peut-être dans nos corps, on parle de « révolution numérique » et je pense que c’est vrai, on est arrivé à un basculement, qui fait que le numérique va rester un secteur où on aura besoin de compétences dans cinq ans et certainement dans vingt ans. Je ne sais pas quelles seront les technologies de demain mais il y a cinq ans par exemple, le big data, on n’en parlait pas alors que maintenant oui, c’est devenu prioritaire pour beaucoup de secteurs et d’entreprises, c’est ce qui est passionnant dans ce secteur.
Si vous avez d’autres questions n’hésitez pas à contacter Olivier ou d’autres pros du secteur Informatique, Digital, Télécom.
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