1/ Pouvez-vous expliquer aux jeunes en quoi consiste le métier de surveillant pénitentiaire?
J’ai été surveillant pénitentiaire avant de devenir formateur des personnels au centre pénitentiaire de Fresnes. Le métier de surveillant est d’abord axé sur la sécurité. L’administration pénitentiaire est en fait la troisième force de sécurité publique Française. Nous sommes amenés à garder des personnes détenues qui nous sont confiées par l’autorité judiciaire. Nous ne jugeons pas les personnes qui sont placées chez nous, c’est l’autorité judiciaire qui nous les confie et nous faisons en sorte de les prendre en charge. Nous gérons également la réinsertion des détenus c’est-à-dire que nous les préparons à réintégrer la société. Nous commençons par le bonjour le matin lors de l’appel qui nous permet de voir toutes les personnes détenues. Puis, nous les accompagnons tout au long de la journée lors des activités. C’est essentiellement un travail d’équipe, même si un surveillant gère son groupe de détenus (entre 90 et 130), le surveillant peut voir ses collègues depuis les coursives et en cas d’incident (une altercation par exemple), un collègue peut très vite intervenir. Il y a plus de 600 surveillants à Fresnes, c’est le deuxième établissement de France.
En province, il y a de petits établissements où les équipes se composent généralement de huit surveillants. La base du métier est de gérer la population pénale sur une unité de vie mais ensuite, le surveillant peut très rapidement accéder à d’autres fonctions telle que formateur, intégrer les brigades pour devenir maître-chien, intégrer les équipes régionales d’intervention et de sécurité (les ERIS ou être moniteur de sport pour les activités sportives telles que le football et le rugby.
Il y a un panel de fonctions, vous pouvez aussi être chauffeur, greffier et secrétaire. Un surveillant ne va pas forcément faire sa carrière sur une unité de vie à gérer la population pénale. Le secteur est un peu méconnu et pourtant il offre des possibilités d’évolution, moi, qui viens du Ministère de la Défense, je trouve des similitudes en terme de possibilités de spécialisation, de postes diversifiés. On peut aspirer à monter en grade c’est-à-dire qu’au bout de quatre ans de service, vous pouvez accéder au grade de lieutenant, sans condition de diplôme, contrairement à ce qu’on demande en externe.
2/ Et concrètement, si vous deviez décrire une journée type ?
Nous sommes dans une administration travaillant 24h/24 et 365 jours par an et nous travaillons en horaires décalés (6h45-13h, 12h45-19h, puis il y a une relève pour la nuit). En tant que formateur, je suis en horaires classiques (8h-12h et 13h-17h).
Le surveillant commence par un appel pour s’assurer que tous les détenus sont là, et surtout en vie, puisque quand l’autorité judiciaire nous les confie, il est garant de leur intégrité physique, nous devons faire le maximum pour éviter les problèmes, pour les garder en bonne santé, c’est pourquoi nous sommes formés à la prévention du suicide. Nous sommes aussi en lien avec le personnel médical, quand il y a des problèmes et avec les personnes qui s’occupent de l’insertion, pour le maintien des liens familiaux, c’est un métier de réseaux avec tout le personnel institutionnel mais aussi associatif.
En tant que formateur, je m’occupe de la formation initiale, c’est-à-dire des jeunes qui préparent le concours, le réussissent et qui vont suivre huit mois de formation en alternance à l’Ecole Nationale d’Administration Pénitentiaire qui se trouve à Agen. Ils vont avoir des cours théoriques à l’école et des stages pratiques en établissement où nous les accueillons pour les familiariser avec leur futur outil de travail, la prison. Nous veillons à ce que ce soit progressif et pédagogique, on ne va pas les lâcher tout de suite sur une coursive mais prévoir plutôt une période de doublure, puis de tutorat avec les plus anciens qui vont les accompagner. Ensuite, je m’occupe de la formation continue qui comprend des mises à niveau, comme le tir, au moins une fois par an, mais aussi des formations sécurité-incendie (nous sommes équipés comme les pompiers, nous utilisons des appareils respiratoires isolants), nous apprenons les techniques d’intervention et de menottage, et suivons des formations sur la radicalisation pour que le personnel soit sensibilisé à cette thématique.
En parallèle, j’ai d’autres missions qui sont la promotion des métiers pénitentiaires, la participation aux forums pour parler de mon métier, au recrutement et à la surveillance des concours écrits, c’est un métier très diversifié.
3/ Quel a été votre parcours pour arriver à votre métier ?
J’ai obtenu mon bac électronique puis j’ai fait dix ans d’armée, il faut savoir qu’on est sous contrat, il a fallu que je me reconvertisse et j’ai présenté le concours de surveillant, peut-être pour garder l’uniforme, j’ai réussi deux concours et j’ai fait le choix de rentrer dans l’administration pénitentiaire. Je suis devenu surveillant pour gérer la population pénale et très vite, devenu tuteur puis au bout de cinq ans, formateur du personnel.
4/ Quelles qualités faut-il pour exercer le métier de surveillant pénitentiaire ?
Il faut avoir beaucoup d’humanité mais surtout de l’écoute, parce qu’il faut savoir cerner le problème rapidement, avoir du respect vis-à-vis de la hiérarchie et des personnes placées sous notre garde, et forcément de l’autorité pour que l’établissement pénitentiaire fonctionne bien.
Dans l’administration pénitentiaire française, il y a trois grands types d’établissements :
- les maisons d’arrêt comme Fresnes, qui sont là pour accueillir les prévenus en attente de jugement, et ceux condamnés à de courtes peines (inférieures à deux ans).
- les établissements pour longues peines, destinés aux détenus condamnés à des peines de plus de deux ans, différenciés par leur régime : il y a les centres de détention à vocation de réinsertion puisque les profils ont été évalués comme ça, les détenus vont pouvoir rester porte ouverte une partie de la journée et prendre un repas par exemple avec le détenu d’en face, ils sont assez autonomes.
- les maisons centrales reçoivent des détenus aux profils dangereux et sont donc beaucoup plus sécurisées. La prison de Fresnes comprend 1324 personnes détenues et en tant que maison d’arrêt, elle est surpeuplée mais tous les établissements ne sont pas en surpopulation, les maisons centrales et centres de détention ont un numerus clausus (un détenu= une cellule), elles ne peuvent donc pas être en surpopulation.
5/ Qu’est-ce qui fait que vous aimez votre métier ?
L’évolution et la diversité des métiers parce que si on s’investit un peu, l’administration peut nous offrir beaucoup de possibilités, au sein même de l’administration. Quand on entre dans l’administration, on n’est pas « condamné » à gérer la population pénale.
6/ Si vous aviez une chose à changer dans le métier ce serait quoi ?
Fresnes date de 1898 et les outils de travail sont parfois un peu vieillissants même s’ils sont bien entretenus, il y a une différence avec les prisons qui viennent d’ouvrir notamment Beauvais, Valence où il y a la douche en cellule. Certains établissements devraient être modernisés mais il faut du temps pour que tous soient rénovés.
7/ Auriez-vous une anecdote à nous raconter ?
Quand j’étais surveillant, j’exerçais au centre de détention de Roanne, un détenu avait mis le feu à sa cellule, nous sommes intervenus rapidement et nous avons pu sauver cette personne à temps, c’est une satisfaction du devoir accompli quand on sauve quelqu’un qui voulait mettre fin à ses jours.
8/ Quel conseil donneriez-vous à un jeune qui veut faire votre métier ?
Se renseigner sur l’administration pénitentiaire parce qu’elle offre beaucoup de possibilités. Je suis fier d’appartenir à cette administration qui est quand même la troisième force de sécurité publique. Les jeunes préfèrent être gendarme, policier ou pompier mais je pense que nous avons tout à gagner à communiquer sur nos métiers, l’administration pénitentiaire peut offrir de belles carrières.
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