George V, Crillon, Ludovic Chafer est un habitué des palaces. Portrait de l’un des meilleurs barman français

23/05/2019 Partager sur

Elu Meilleur Jeune Talent du 10ème Trophée GH Mumm dans la catégorie sommelier en 2012, sélectionné pour participer aux Worldskills France 2014, Ludovic Chafer, a participé à la finale de la Chivas Masters Cocktail Competition 2017.

ludovic chafer


Comment es-tu tombé dans le cocktail ?

« Ma première idée était de travailler dans un palace. Je suis tombé amoureux de cet univers-là et j’ai pu choisir le métier qui me conviendrait. »

J’ai essayé de voir à quoi je m’intéressais le plus, au lycée, j’aimais beaucoup l’histoire, la géographie et les belles choses. J’ai essayé de mettre en connexion mes passions. L’univers des boissons demande une grande connaissance dans tous ces domaines. J’ai eu la chance étant plus jeune de visiter des palaces, et de voir dans quel rôle je me sentirais le mieux. Celui de barman dans un palace m’inspirait beaucoup ! C’est une personne de grande confiance, il est à la fois le concierge, celui qui donne des bons conseils, qui peut soigner un petit peu aussi grâce à ses breuvages.

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Avais-tu un rêve étant plus jeune ?

J’ai eu la chance d’avoir comme cadeau d’anniversaire une place au Grand Prix de Formule 1 de Monaco, et c’est à ce moment-là que je suis rentré pour la première fois à l’Hôtel de Paris Monte-Carlo, qui est l’un des établissements les plus luxueux de Monaco. J’ai eu un déclic, j’ai su que je travaillerai plus tard dans un palace comme celui-ci.

Découvre l’interview de Ludovic Chafer, sous forme de podcast illustré :

Un rôle modèle qui t’a inspiré ?

Non, mais j’admirais le personnel des palaces, ce sont ces personnes qui m’ont inspiré.

Comment es-tu devenu barman ?

 « J’ai fait un baccalauréat technologique en hôtellerie, à ce niveau-là, on touche un peu à tous les métiers de l’hôtellerie et de la restauration. »

J’ai fait ensuite une année complémentaire de mention de sommellerie qui est assez intense, cela correspond à un bac+ 1. Il faut savoir que le cocktail, c’est l’art de mélanger les produits les uns avec les autres, je me suis dit que pour me différencier, il fallait que j’essaie d’apprendre à connaître les produits purs. Je suis passé par un cursus de sommelier, qui permet vraiment d’apprendre à étudier les vins, les alcools, les spiritueux, les eaux de vie et les liqueurs avec beaucoup de précision. Ce cursus m’a permis de rentrer dans le monde de la mixologie et du bar avec une profonde connaissance des produits.

Est-ce difficile de se faire une place dans un palace ?

Oui, c’est difficile, cela demande beaucoup de motivation et il faut vraiment cerner ses objectifs quand on choisit de rentrer dans cet univers-là. Par exemple, afin de me rapprocher de Paris, qui concentre le plus de palaces, j’ai été obligé de quitter Marseille, ma ville natale et de m’émanciper très jeune. Deuxième difficulté : il faut réussir à faire parler de soi. Il existe de nombreux concours en France qui offrent une visibilité très importante. L’univers de la partie bar propose une grande variété de concours, il y en a environ une trentaine par an en France donc on a toujours l’opportunité de se présenter, de se représenter, pour réussir à se faire une place sur le podium. Autre aspect très important à prendre en compte : le barman incarne l’image du palace, cela demande une grande hygiène de vie (une coiffure irréprochable, des chaussures bien cirées, etc…).

ludovic chafer barman

Les qualités essentielles à avoir pour être barman ?

La créativité, car la mixologie est un art un peu comme la cuisine, la pâtisserie, de mélanger tel ingrédient avec tel ingrédient dans des proportions bien précises. La curiosité, parce que c’est un univers qui se renouvelle. Il y a toujours de nouveaux alcools, des distilleries qui ouvrent, d’autres qui ferment, c’est bien de se tenir au courant de l’actualité du secteur. Il ne faut pas hésiter à regarder des reportages sur les régions du monde et de savoir ce que fait la concurrence. Trouver des idées en écoutant ce que font les autres, notamment sur les réseaux sociaux. Enfin, la rigueur est essentielle au sein d’une équipe qui travaille dans un palace.

Tes plus belles expériences en tant que barman ?

Dans mon apprentissage du métier, je me suis obligé à voyager pour aller voir comment on fabrique certains alcools, à échanger avec des distillateurs, des maîtres de chai, pour comprendre le cœur du produit. Ma plus belle expérience a eu lieu au sud de Glasgow en Ecosse, lorsque j’ai goûté l’eau de la source qui a servi ensuite à fabriquer le whisky. C’est toutes ces belles images qui restent gravées, ces goûts, ces couleurs, ces températures etc… qui permettent de développer la créativité et des arguments devant les clients.

Ton cocktail préféré ?

Cela peut paraître surprenant, c’est le mojito, il a été célèbre un moment, aujourd’hui, il est un peu démodé, mais c’est mon cocktail préféré pour pleins de raisons. Quand je suis dans un bar que je ne connais pas, je prends toujours un mojito en premier, c’est toujours un bon moyen d’évaluer le niveau du barman, car il est bien plus complexe à réaliser qu’il en a l’air.

Une anecdote à raconter aux jeunes ?

Les anecdotes sont en général nombreuses dans un palace, il se passe beaucoup de choses qui sortent du quotidien et qui sont tenues secrètes. Il y a toujours une émotion particulière quand vous servez des eaux de vie qui peuvent coûter plus de 10 000 euros le verre. Vous sentez qu’il y a un vrai pouvoir d’achat et une sensibilité sur ces produits d’exception, surtout quand on vient d’un milieu simple et que vous arrivez à faire une vente et que les clients sont réceptifs en face.

Tes conseils à une fille ou un garçon qui veut devenir barman ?

Le premier conseil qui m’a permis d’y arriver, c’est de beaucoup bouger, de rencontrer des gens pour apprendre le métier, c’est l’expérience qui fait la différence. N’hésitez pas à faire des petits séjours dans le sud de la France par exemple pour visiter des vignobles, mais aussi à l’étranger. Développez votre connaissance des produits, et essayez de vous rapprocher de l’endroit où vous voulez aller. Aujourd’hui, grâce aux réseaux sociaux, on a la chance de pouvoir se connecter facilement, essayez de vous créer un réseau, la télévision propose aussi pleins de choses. Créez-vous un art de vivre autour du métier. Et le jour où vous arriverez à rejoindre une brigade de barmen, ne sous-estimez jamais les clients qui sont en face de vous. Un matin, au George V à Paris, un homme d’une cinquantaine d’années s’est présenté et m’a commandé un negroni* (*l’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération), un cocktail assez fort, les gens le commandent plutôt le soir. J’ai été surpris mais je me suis dit qu’il aimait peut-être les choses un peu fortes dès le matin. Nous avons beaucoup discuté et à la fin de la conversation, je me suis rendu compte que c’était le propriétaire d’une des plus grandes distilleries de gin au monde qui a servi pour préparer son cocktail. Nous nous sommes échangés nos cartes de visite, il m’a invité dans sa distillerie, et nous sommes toujours en contact. Pour conclure, quelque soit le produit que le client commande, il faut toujours donner le même amour et la même passion à vos interactions lorsque vous êtes « sur scène » derrière votre comptoir que ce soit pour un simple café, ou un cognac centenaire ! Cela finira par payer.

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« L’abus d’alcool est dangereux pour la santé, consommez avec modération. »

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