En cette période de crise sanitaire, de nombreux professionnels de santé, médecins, infirmiers, aide-soignants, ambulanciers etc… sont mobilisés sur le terrain, d’autres du même secteur continuent à travailler mais à distance. C’est le cas de Justine qui vous explique son métier d’ingénieure d’application médicale encore peu connu et le télétravail en période de confinement.
Justine travaille depuis trois ans dans une PME d’une quarantaine de personnes spécialisée dans un logiciel d’imagerie médicale, destiné aux médecins radiologues. Découvrez notre interview ci-dessous :
Comment se passe ta collaboration avec le corps médical dans le cadre du confinement ?
En cette période de crise sanitaire, je travaille toujours même si les médecins français ne sont pas disponibles. Cela ne me change pas trop car j’ai l’habitude du télétravail lorsque je ne suis pas en déplacement. Je travaille plus avec des partenaires européens en B2B (Business to Business ou Commerce B to B). Je peux être amenée à participer à la rédaction de réponses aux appels d’offres sur la partie technique. En parallèle, j’élabore des supports de formation et d’utilisation, à destination des prospects, des clients, ou du service commercial de mon entreprise. J’avance également sur des projets internes en lien avec le marketing, je réalise même des vidéos, etc…
Comment es-tu devenue ingénieure d’application ?
« Un bac S en poche, j’ai passé un concours pour rentrer à l’IFMEM (Institut de formation des manipulateurs en électroradiologie médicale). »
Dans ma promo, il y avait la moitié de bac S et les autres venaient d’obtenir un bac STMG ou ES. La formation dure trois ans et les deux premières années, j’avais un mois d’école puis un mois de stage puis en troisième année, c’était ¾ de stage et ¼ de formation. J’ai effectué de nombreux stages dans des hôpitaux, une vingtaine au moins en trois ans ! Cela m’a permis de découvrir des méthodes de travail différentes entre le public et le privé et surtout une diversité de services parce qu’en tant que manipulatrice, on fait autant de scans que d’IRM (Imagerie par résonance magnétique) mais aussi de la radiothérapie et de la médecine nucléaire. J’ai beaucoup appris mais je ne m’épanouissais pas spécialement pendant ces stages donc j’ai décidé de poursuivre mes études. C’était un peu compliqué à l’époque car pour intégrer un master, il fallait passer des entretiens. J’ai été prise finalement en Master 1 ingénierie de la santé à l’Université Claude Bernard de Lyon. J’ai fait beaucoup de physique appliquée à l’IRM, et aussi un stage dans mon entreprise actuelle en tant qu’ingénieure d’application. A l’issue de ce stage, j’ai décidé de me réorienter en Master 2 Ingénieur technico commercial dans la même université parce que je me suis rendue compte que j’avais besoin de connaissances en commerce pour répondre aux questions des médecins.
Tu as d’autres questions sur ce sujet ?
En quoi consiste ton métier ?
J’ai trois casquettes, j’apporte une aide à la force de vente de mon entreprise en formant les équipes sur les aspects techniques du matériel. Je propose aux médecins des formations pour qu’ils apprennent à manipuler les logiciels complexes, c’est purement de l’applicatif. Enfin, comme je travaille dans une PME d’une quarantaine de personnes, je réalise les documents marketing que je communique aux clients.
« Je travaille essentiellement avec des privés, des cliniques, de grands et petits cabinets de ville mais aussi avec des CHU (Centre hospitalier universitaire). »
Quels conseils donnerais-tu à un jeune qui veut faire ton métier ?
C’est un métier qui demande des déplacements, il faut donc être conscient(e) qu’on n’est pas forcément chez soi pendant la semaine. Apprendre à gérer aussi son stress, car les médecins n’ont pas plus d’une heure de formation à vous accorder en général, et je dois m’assurer que tout fonctionne bien et respecter le créneau horaire. Les ingénieurs font cela pendant quatre ou cinq ans et acquièrent très vite beaucoup d’expérience.
« Ingénieur(e) d’application, c’est un tremplin pour évoluer vers d’autres branches du secteur de l’industrie dans la santé et vers des postes à responsabilité. »
Découvre d’autres métiers du médical
Pourquoi aimes-tu ton métier ?
Je suis passionnée par l’imagerie médicale et j’aime mettre à jour mes connaissances des nouvelles pratiques médicales et techniques pour comprendre de quoi me parlent les médecins, j’apprends encore pleins de choses sur les pathologies.
Quelles sont les qualités et compétences à avoir pour être ingénieur.e d’application médicale ?
Il faut être très organisé(e), je gère par exemple mon planning hebdomadaire, les réservations de trains et d’hôtels, parce que je peux être à Marseille le lundi et à Lille le vendredi. J’effectue deux voire trois localisations différentes par semaine. Sinon, j’ai quatre déplacements environ dans l’année dans des hôpitaux européens. La rigueur est de mise pour optimiser le temps lié à la démonstration des équipements et des machines et pour rendre ce temps acceptable par le corps médical. Il faut avoir de fortes qualités relationnelles à déployer aussi bien auprès des clients internes et externes à l’entreprise. Un sens de la communication et de la pédagogie pour pouvoir assurer des formations techniques dans des termes clairs et accessibles et pour assurer un support technique de qualité sur les produits, être capable de s’adapter à des situations différentes et avoir un sens de l’anticipation et réactivité pour assurer les missions de maintenance.
Après tout déplacement, je rédige des comptes rendus de missions, cela implique d’avoir une bonne rédaction. Par ailleurs, la maîtrise de l’anglais est indispensable, c’est un peu notre langue de travail, je ne suis pas bilingue mais l’anglais technique est nécessaire. Côté technique, l’ingénieur d’application médicale doit maîtriser les caractéristiques techniques des produits et leur utilisation dans un univers médical, avoir de bonnes connaissances médicales liées au domaine d’application du produit ou du matériel de l’entreprise, connaître les normes sécuritaires liées à l’utilisation du produit et à l’environnement médical et avoir une bonne connaissance de l’environnement réglementaire du secteur des industries de santé.
Combien gagne un.e ingénieur.e d’application médicale ?
Pour un.e débutant.e ingénieur.e d’application médicale, le salaire s’élève à 30 000 euros brut et pour un senior, il peut atteindre 50 000 voire 60 000 euros.
Quel avenir pour le métier d’ingenieur.e d’application médicale avec l’arrivée de l’intelligence artificielle ?
Avec le boom de l’intelligence artificielle, de nouveaux métiers ont vu le jour et de nombreuses startup sont sorties de terre pour proposer de nouveaux logiciels. Moi je suis dans le logiciel mais il y a des ingénieurs d’application spécialisés dans la pose de cathéter, d’autres travaillent dans les blocs opératoires. Le métier d’ingénieur.e en application médicale est donc divers.
« Il y a deux évolutions possibles, soit le produit soit le commercial. Certains connaissent toutes les subtilités du logiciel et deviennent commercial, pour vendre c’est beaucoup plus facile. »
D’autres passent aussi au marketing parce qu’ils ont une bonne connaissance du logiciel. J’aimerais évoluer dans le produit pour partir des besoins des médecins, réfléchir à la nouveauté à apporter au logiciel et échanger ensuite avec les développeurs pour voir comment l’intégrer.
Comment vois-tu l’évolution du secteur et la connexion entre l’humain et l’IA ?
L’arrivée de l’intelligence artificielle est plutôt bien perçue dans notre secteur, parce que dans la plupart des ventes que nous faisons, les médecins la voient comme une aide au diagnostic.
Beaucoup de logiciels sont sortis, et de nombreux CHU en achètent pour aider les internes à se faire l’œil sur les radios. Cela peut être vu comme une méthode d’apprentissage.
Tu as d’autres questions sur ce sujet ?