En quoi consiste votre métier ?
Le juge des affaires familiales est la personne qui tranche les litiges en matière de séparation des couples mariés ou des couples non mariés à partir du moment où ils ont des enfants.
J’exerce depuis une quinzaine d’années et la particularité de mon métier est que je suis d’abord magistrat(e). Un(e) magistrat(e) peut changer de fonction tout au long de sa carrière. J’ai commencé comme juge des enfants, un métier que j’ai exercé pendant plusieurs années, ensuite j’ai été juge d’instance (le juge des petits conflits), puis juge des tutelles et par la suite j’ai exercé des fonctions administratives au sein du Ministère de la Justice à la Direction de la protection judiciaire de la Jeunesse qui s’occupe de la prise en charge des jeunes délinquants.
Le métier de magistrat(e) ouvre donc à des carrières très diversifiées et c’est l’un de ses avantages.
Un(e) magistrat(e) peut être magistrat(e) du siège comme moi aujourd’hui, c‘est à dire un(e) magistrat(e) qui tranche les litiges qui lui sont présentés mais il peut aussi devenir un(e) magistrat(e) du parquet : Procureur de la République ou collaborateur du Procureur de la République pour orienter des procédures pénales, décider des poursuites ou au contraire des classements sans suite.
Pouvez-vous expliquer vos principales tâches au quotidien ?
En tant que juge des affaires familiales, la première chose dont je m’occupe est l’audience.
Lorsqu’on est dans une grosse juridiction, ce qui est mon cas puisque j’exerce à Bobigny, le juge des affaires familiales l’est à plein temps, contrairement à une petite juridiction où le juge des affaires familiales aura d’autres fonctions comme juge correctionnel.
Ma semaine type se compose de trois audiences par semaine. Je reçois pendant trois demi-journées des parties, c’est-à-dire les membres de couples qui me demandent de trancher sur les différents sur lesquels ils ne sont pas d’accord. J’entends la personne qui a déposé la demande, celle qui est en défense, éventuellement leurs avocats, on a un moment d’échanges et je mets ma décision en délibéré. Et la deuxième partie de mon activité consiste en la rédaction de ces décisions puisque le premier de mes devoirs est d’expliquer pourquoi je les prends. C’est ce qu’on appelle la motivation des jugements et cela me prend beaucoup de temps.
Le reste de la semaine, l’essentiel de mon temps est consacré à la rédaction de ces décisions outre la participation à la vie de la juridiction puisque je suis juge des affaires familiales à plein temps mais je participe également à l’activité du Tribunal de Grande Instance de Bobigny et pour cela, je tiens des audiences correctionnelles donc là je suis juge répressif, je sanctionne les auteurs d’infractions. Je peux également être juge de la liberté et de la détention donc je participe à la vie de la juridiction.
Est-ce que vous travaillez en équipe ou plutôt seule ?
Le juge des affaires familiales est ce qu’on appelle un juge unique donc je juge seule principalement mais cela ne veut pas dire que je n’ai pas d’échanges avec mes collègues. Il y a un lien très important qui est fait avec le personnel des greffes et en particulier avec ma greffière qui m’assiste au quotidien. D’autre part, comme je travaille dans une grande juridiction, nous sommes onze juges des affaires familiales, il très important de favoriser nos échanges. Nous formons une équipe et nous nous rencontrons régulièrement, nous échangeons entre nous sur notre jurisprudence de manière à harmoniser nos pratiques sachant que chaque juge reste totalement indépendant.
Quel a été votre parcours et votre formation pour exercer votre métier ?
Je suis diplômée de l’Institut d’études politiques de Sciences Po à Paris mais la plupart des magistrats ont suivi des études de droit. Il faut passer le concours de l’Ecole nationale de la magistrature de Paris.
« Il est important d’avoir des connaissances en droit mais également en culture générale. »
C’est un concours qui est très sélectif qui nécessite un parcours d’études poussé et exemplaire.
Quelles sont les qualités requises pour exercer votre métier ?
Une capacité de raisonnement nette et rapide et de la rigueur mais les métiers au sein de la magistrature sont tellement variés que toutes les qualités pourront y trouver de quoi nourrir une vie professionnelle. En tant que juge des affaires familiales, j’apprécie le contact avec les justiciables.
Pour les métiers plus juridiques, la matière humaine est moins présente, c’est plus intellectuel ; chacun va choisir sa carrière en fonction de ses appétences, c’est l’avantage de la magistrature.
Qu’est-ce qui fait que vous aimez votre métier ?
« Ce que j’apprécie particulièrement c’est le contact humain, les histoires familiales. »
La justice est souvent un moment critique dans la vie des gens, elle brasse énormément de sentiments mais également toute l’évolution de notre société (évolutions sociales et économiques).
J’aime aussi la variété des fonctions qui me sont offertes et la possibilité de changer de métier sans changer de carrière.
Si vous aviez quelque chose à changer dans le métier ce serait quoi ?
La charge de travail est souvent très lourde, cela nécessite un engagement personnel sans faille. Il faudrait avoir plus de moyens au sein du Ministère de la Justice. Le métier de juge peut aussi être vécu comme un métier solitaire et je trouve que c’est dommage de l’exercer de cette façon : il serait préférable de favoriser les instances de réflexions collectives autour de nos fonctions et de recourir plus souvent à la collégialité, c’est à dire à une formation de jugement composée de plusieurs juges pour la même affaire.
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui souhaiterait exercer votre métier ?
De ne pas se décourager parce que le parcours peut être long avant de réussir le concours de la magistrature, mais ce n’est pas parce qu’on a raté le concours qu’on ne peut pas devenir magistrat(e), dans ce cas choisissez une autre fonction (avocat, greffier en chef, etc…) et plus tard vous pourrez intégrer la magistrature avec votre bagage professionnel.
« Je leur conseille également de vivre des expériences car lorsqu’on est confronté à des situations critiques voire violentes, il faut être armé personnellement pour les affronter. »
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