Sylvain est illustrateur concept artist : il crée des univers et pose les bases de certaines publicités, comme Mc’Donald! Vous pouvez lire son interview ci-dessous ou si vous désirez l’écouter ainsi que voir certaines de ses oeuvres, cliquez ici.
- Bonjour Sylvain, pouvez expliquer en quoi consiste votre métier ?
Je suis illustrateur concept artist. C’est un terme anglais pour désigner les personnes qui travaillent dans les éléments de pré-production dans le cinéma, les jeux-vidéos et tous les médias audiovisuels. C’est-à-dire que je suis illustrateur et je réalise des images préparatoires pour les projets qui ont tous un rapport avec l’audiovisuel. Par exemple au cinéma, pour un film Star Wars, je réalise les croquis faits pour réfléchir à l’univers dans lequel la production va se lancer.
Avant de lancer la production du film ou du jeu-vidéo, il faut d’abord bien réfléchir à son univers, aux personnages, décors, costumes … C’est souvent un gros travail de couleur et d’environnement.
Je suis également illustrateur, je peux faire des couvertures de roman, de livres et même des affiches de film.
- Lors d’une semaine type, quelles tâches faites-vous ?
La première chose que j’ai à faire lors de mes journées de travail est un énorme tri dans mes mails. Je suis freelance (indépendant en profession libérale) et je dois beaucoup échanger avec mes clients. Je suis très sollicité à certains moments. il est impératif de reconnaître les projets viables ou non.
Ensuite parmi les projets retenus, il faut deux visées :
- estimation du prix du projet. C’est quelque chose de difficile car c’est un travail artistique, les barrières sont floues contrairement au prix du pain au kilo par exemple. On prend du temps à étudier ce que le client veut.
- Une fois les contrats signés, je consacre le reste de la journée à mes illustrations.
- Combien de temps a duré votre projet le plus long ?
Jusqu’à présent, le projet le plus long a duré 3 mois. Dans cette profession, on peut très bien avoir des projets qui durent un an. Quand c’est vraiment des énormes projets de jeux-vidéos ou de films, la réflexion artistique se fait sur le long terme. Je connais certains collègues qui ont travaillé un an sur certains projets. C’est assez frustrant puisqu’on est sous clause de confidentialité : on ne peut pas montrer ce qu’on fait aux personnes avant que le projet soit sorti, même s’il est enterré!
- Pour en arriver là, quel a été votre parcours ?
J’ai eu un bac gestion assez classique (STT). Depuis longtemps je voulais faire de l’illustration mais dans les études pré-bac, il n’y avait que peu d’études dans l’illustration. Ce bac m’a permis de sortir rapidement du système classique des études. J’ai ensuite rejoint une école privée d’art appliqué spécialisée dans le multimédia et la 3D et intégré une entreprise d’architecture pendant deux ans. Celle-ci ferma et j’en ai profité pour devenir freelance car ce statut m’intéressait beaucoup plus que le salariat par rapport à une liberté créative et au rapport au travail. Cela fait maintenant 7 ans que je suis indépendant.
Je ne conseille pas les jeunes de devenir freelance dès la sortie des études. Le salariat permet de comprendre le rapport au travail qui nous forme sur les relations humaines et la gestion du travail. Il faut passer par ce système pour observer et comprendre clairement comment ça se passe.
- Pour pratiquer votre métier, quel talent ou qualité faut-il posséder ?
C’est surtout « ne pas être ». Par exemple il ne faut pas être scolaire, c’est une profession créative. Il faut beaucoup d’auto-gestion. Les personnes ne vous donneront pas de plans à suivre dans le travail qu’il faut fournir. Il faut aussi être malin et créatif pour comprendre ce que le client veut grâce à un effort de communication, de compréhension et d’analyse. Enfin la passion de ce monde-là est obligatoire car ce travail se mélange au temps libre.
- Que préférez-vous faire dans votre métier ?
Chaque jour est différent de la veille. L’absence de répétition due à mon statut de freelance aide. Je travaille avec des personnes différentes chaque jour, c’est assez « aventurier ». Cela me demande de fournir des efforts mais je suis vraiment passionné. Passé d’un monde futuriste à un monde médiéval, faire quelque chose de beaucoup plus classique et urbain … Cela m’intéresse car il faut toujours tester ses limites dans ce travail. Chaque matin je me lève sans savoir comment va se passer la journée.
- Si vous avez une chose à changer dans votre métier ?
Je n’ai pas vraiment de regret sur le métier, mais un regret personnel : ne pas avoir commencé le dessin académique avant le Bac. J’ai réalisé des bande-dessinées pendant mon adolescence, des petits jeux-vidéos sur mon temps libre… Je me suis enfermé dans des styles trop « stylisés ». A la découverte du dessin académique (perspective, dessin de modèle vivant, ombres/lumière,volume…), j’ai dû déconstruire tout ce que je connaissais avant. Dès 12 ans, on peut apprendre à assimiler les techniques académiques. C’est plus facile à pratiquer qu’on ne le pense, c’est aussi moins austère qu’on ne le croit. Une fois les méthodes acquises, la pratique devient amusante.
- Une anecdote à nous raconter ?
J’ai eu une société qui m’a contacté pour réaliser une bande-dessinée qui présentait leur secteurs d’activités. Ils m’ont demandé mes tarifs à un moment où j’étais débutant : environ 150 euros la page en noir et blanc (peu cher par rapport à un tarif classique). Cela leur paraissait « un peu cher, mais pour 60 pages ça ira ». Ils ont compris que les 150 euros étaient pour l’intégralité des 60 pages… Quand je leur ai dit que le prix était pour une page, ils m’ont presque traité de cinglé ! Les clients de l’audiovisuel connaissent les prix du marché et il n’y a quasiment aucune négociation à faire. Il y a un gouffre entre certains types de clients : ceux qui ne connaissent pas le métier et ceux qui le connaissent.