Thomas est artiste de cirque au sein de la compagnie Horizons Croisés. Il a répondu à nos questions sur son métier et nous fait part de son parcours et de son quotidien assez singulier !
En quoi consiste votre métier d’artiste de cirque ?
Je suis artiste de cirque, il faut savoir que cette profession englobe plusieurs aspects. Étant donné que notre cœur de métier reste de l’ordre de l’artistique, on a souvent une ou deux techniques de cirque attitrées. Pour ma part ce sont la jonglerie et les échasses. Et à côté de cet aspect artistique, pour arriver à mettre en place un spectacle nous participons à beaucoup d’autres activités en amont.
En effet, mon quotidien a aussi un aspect technique : le montage de structures, la confection de décors, de costumes… On est aussi entrepreneur à notre manière. Nous sommes trois à gérer notre association Horizons Croisés, ce qui implique de gérer aussi les équipes avec lesquelles on travaille sur tel ou tel spectacle. Cela se résume donc beaucoup à des compétences d’entreprenariat que l’on peut retrouver dans d’autres domaines plus classiques que le cirque mais qui sont pourtant similaires.
Et concrètement, si vous deviez décrire les principales tâches que vous effectuez au cours d’une semaine type en tant qu’artiste de cirque ?
Je parlerais plutôt d’un mois type car cela varie vraiment en fonction des périodes de l’année et des spectacles. Par exemple, durant les deux mois précédents, nous n’avons fait quasiment aucun spectacle. Mais cela nous a laissé du temps pour nous concentrer sur d’autres choses, notamment sur le développement et la gouvernance de notre structure, c’est-à-dire sur la manière de gérer notre équipe de 5 au total, ainsi que sur beaucoup de prospections sur des projets à long terme.
Pour résumer, un mois type regroupe à la fois :
- Un peu d’entraînement technique avec les échasses aux pieds, les diabolos et les massues à la main.
- Une partie physique qui est liée à l’entraînement. Notre corps est notre outil de travail, il faut donc en prendre soin. Sans se revendiquer sportif de haut niveau, tous les membres de notre équipe ont une activité physique personnelle. Certains vont à la salle de gym, d’autres vont courir, d’autres encore préfèrent s’aérer en montagne. Chacun a sa recette personnelle selon ses goûts et intérêts !
- Un aspect « bureau » avec notamment :
> Une partie administrative : l’administratrice qui fait partie de l’équipe gère tous les contrats, feuilles de paye, factures…
> Une partie diffusion : c’est bien de faire des spectacles mais encore faut-il qu’ils soient vus ! Une personne de l’équipe, qui est aussi artiste, travaille à la diffusion. Le but est de faire en sorte que les spectacles aient une visibilité auprès des programmateurs.
> Une partie développement de nouveaux projets : par exemple, ces derniers mois nous menons une réflexion sur les différentes actions que nous proposons depuis longtemps, à savoir des ateliers d’initiation au cirque pour les entreprises. Nous prenons conscience que nos outils de cirque font ressentir par le corps ce que beaucoup de manager essayent de ressentir par la tête, que ce soit sur des thématiques de communication, de conduite du changement ou d’innovation. Du coup nous travaillons sur de nouveaux modules intégrant ces plus-values.
Ainsi selon les mois et les années, mes activités varient. Novembre janvier, février sont souvent des mois de transition alors que mai, juin et décembre sont les mois où nous avons le plus de prestations.
Quel a été votre parcours pour arriver à ce métier d’artiste de cirque ?
J’ai fait un baccalauréat scientifique. Par la suite j’ai été pris dans une école d’ingénieur ; l’INSA, et je souhaitais avoir un diplôme en génie mécanique. Or j’ai eu un parcours un peu chaotique durant ces années d’études dans cette école. Je me suis beaucoup investi dans le monde associatif étudiant et c’est d’ailleurs ce qui m’a donné le goût pour ce milieu et la gestion de projets. J’ai énormément appris de ces expériences « extrascolaires ». Puis j’ai traversé une période où je me suis posé les bonnes questions et j’ai décidé de me réorienter.
J’ai donc arrêté l’INSA pour commencer une licence professionnelle gestion et développement des activités physiques et artistiques en Bourgogne. Il s’agit d’une licence pro relativement généraliste qui permet d’avoir une vision globale de tous les métiers de la culture. J’ai par la suite effectué mon stage de fin d’année d’étude au LIDO, l’école de cirque de Toulouse. J’étais chargé de l’organisation de Toulouse en piste et de Midi-Pyrénées fait son cirque en Avignon. Deux projets d’envergure qui m’ont permis de mettre un pied dans ce milieu et d’y rester !
Quelles sont pour vous les qualités requises pour exercer votre métier d’artiste de cirque ?
La première des qualités à avoir est la flexibilité. Il m’arrive par exemple de recevoir une demande pour organiser un spectacle en moins d’une semaine. Cela peut être aussi de l’ordre de l’opérationnel où des contraintes techniques sur le terrain doivent être gérer avec les moyens du bord.
Je parlerais aussi de la passion qui me paraît être une qualité évidente pour exercer ce métier. On fait ce métier par passion et c’est à chacun de trouver sa passion dans son domaine. A partir du moment où l’on aime ce que l’on fait, on réussit toujours ! C’est une phrase qui résonne beaucoup en moi et qui fait écho aux propos d’un professeur de Ressources Humaines durant ma licence professionnelle. J’en suis persuadé, le plus important est d’être passionné pour faire ce métier.
Enfin, il est nécessaire d’avoir un minimum d’organisation. On peut tellement passer d’un métier à un autre en quelques heures que cela suppose d’être organisé. Un jour on va faire de l’artistique pur, être dans une phase de recherche ; le lendemain on va faire uniquement de la manutention, par exemple charrier du métal pour un décor de spectacle qu’on doit ranger à la suite de la prestation ; et le jour qui suit on va être en réunion avec un partenaire financier. Il faut donc avoir une vision d’ensemble sur tous les différents aspects de ce métier et trouver du sens à tout ce que l’on entreprend au sein de la compagnie !
Qu’est-ce qui fait que vous aimez votre métier d’artiste de cirque ?
Depuis que j’ai 10 ans je fais du cirque ! J’ai d’abord commencé par en faire durant 5 ans en école de cirque en tant que loisir. Puis j’ai toujours été très actif dans les clubs jonglerie de mes collège, lycée et école d’ingénieur ! Enfin, j’ai passé une année au LIDO en atelier création adulte amateur et c’est cette dernière expérience qui m’a permis de lancer notre compagnie actuelle, Horizons Croisés.
J’aime mon métier car il me permet de faire plein de choses à la fois. Je pense que la routine n’est vraiment pas faite pour moi et que je n’aimerais pas avoir une journée type qui ressemblerait à toutes les autres.
J’aime aussi ce métier pour la dimension physique parce que j’ai besoin d’engager mon corps ! A titre personnel je fais beaucoup de sport, j’ai besoin de me dépenser et c’est quand je suis fatigué physiquement que je me sens mieux. L’engagement physique dans mon travail me plaît beaucoup.
Et je peux être mon propre patron et être maître de mes horaires
Si vous aviez quelque chose à changer dans votre métier d’artiste de cirque ?
C’est déjà fait ! Dans notre compagnie, nous attachons beaucoup d’importance au bien-être au travail. Malgré l’image sympathique que l’on peut avoir du cirque, notre compagnie rencontre en fait les mêmes problématiques qu’une entreprise, c’est-à-dire qu’au sein même d’une équipe il est possible de faire face à des difficultés. Nous avons donc décidé de prendre un virage collaboratif. Il y a eu des changements dans l’équipe (des personnes qui sont parties et d’autres qui sont arrivées) et cela a été l’occasion de mettre en place un mode de gestion plus collaboratif. Tous les membres de notre compagnie se sont appropriés les projets mis en place et partent d’un pied d’égalité : des porteurs de projets à notre administratrice ! Tout le monde est impliqué dans la démarche de création et plus uniquement les artistes.
Avez-vous une anecdote à raconter ?
S’il n’y en avait qu’une ! Je peux citer un moment qui a été pour moi charnière dans mon parcours. J’ai redoublé ma 3ème année à l’INSA et l’année de mon redoublement j’ai à nouveau raté des examens au premier semestre. J’ai donc prévenu mes parents que mathématiquement je pouvais encore valider mon année, mais que je ne souhaitais plus étudier à l’INSA l’année suivante. Mes parents, qui m’avaient pendant des années accompagné à des spectacles et qui étaient mes premiers fans, m’ont rassuré en me disant qu’ils se demandaient à quel moment j’allais leur en parler !
Pendant des années j’étais à l’INSA et j’aimais ce que je faisais, c’est-à-dire la mécanique. D’ailleurs ce domaine me plaît toujours et j’ai l’occasion de le retrouver dans mon métier actuel à travers la conception et la construction de grands décors pour des spectacles ! Mais à l’époque, je me complaisais dans ces études et le jour où je me suis posé les bonnes questions, je me suis clairement rendu compte que ce n’était pas ce que je voulais faire de ma vie et mes parents en avaient pris conscience bien avant moi !
Quels conseils donneriez-vous à un jeune qui veut faire votre métier d’artiste de cirque ?
Je conseillerais principalement de prendre son temps. Personnellement, il m’a fallu passé 4 ans en école d’ingénieur pour savoir vraiment ce que je voulais faire. Quand on nous demande à 17 ans de savoir ce que l’on veut faire pour les 50 prochaines années, il est compliqué de faire un choix qui restera le même. Il faut donc aussi savoir se laisser le droit à l’erreur. On nous apprend trop souvent qu’il ne faut pas se tromper dans nos choix mais cela reste le meilleur moyen de se rendre compte réellement de ce qu’on aime ou de ce qu’on aime pas et de ce qu’on a envie de faire ou pas !
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