Peux-tu nous raconter ton parcours ?
Originaire d’un petit village de Bretagne et issue d’une famille d’agriculteurs, j’ai intégré Sciences Po Rennes après avoir eu un Bac S. J’aimais les maths mais ne voulais pas en faire mon métier.
L’IEP – formation en 5 ans – me paraissait une école qui me laissait encore du temps pour réfléchir à mon parcours professionnel, sans faire des choix trop décisifs dès 18 ans.
Tout en restant à Sciences Po Rennes, je suis allée à Paris faire ma 5ème année au CELSA, l’école de communication de la Sorbonne, pour le Master 2 Communication Option Entreprises, Institutions et risques.
La formation était en alternance, je travaillais au Ministère de l’Intérieur en tant que chef de projet Communication. Avec le diplôme de Sciences Po Rennes, j’ai donc un double Master II.
« Je viens d’être diplômée en politiques européennes au Collège d’Europe, à Bruges, une école qui forme des fonctionnaires européens et/ou des personnes qui veulent travailler dans la politique européenne. »
Entre temps, pendant les vacances d’été, j’ai eu une bourse du DAAD, un organisme franco-allemand, pour aller à Berlin deux mois et demi apprendre à parler allemand, qui est une langue officielle dans les institutions européennes.
Comment tu envisages ton avenir professionnel ?
« Je veux pouvoir me lever le matin en sachant pourquoi je me lève et travailler pour une cause qui me tient à cœur. »
J’ai longtemps rêvé d’être journaliste mais on m’a vite découragée en évoquant le manque de débouchés, la précarité du statut, etc. J’ai donc envisagé un job dans la communication, j’ai fait des stages et alternance dans ce domaine sans être pleinement satisfaite et épanouie.
Aujourd’hui, après l’année au Collège de Bruges je me laisse une dernière chance de poursuivre mes rêves et les accomplir. Je vais tenter d’être journaliste en politique européenne à Bruxelles ou à Paris. Je viens d’obtenir un stage à France Télévisions pour suivre plusieurs émissions ou chroniques sur l’UE.
Si l’expérience ne me plait pas ou si je ne peux plus assumer la précarité de la position, je me réorienterai vers la politique européenne, soit auprès des euro-députés en tant qu’assistante parlementaire, soit auprès des institutions au sein des porte-parolats.
Il est possible de postuler à un poste de journaliste sans avoir fait d’école de journalisme ?
Dans le milieu français, l’insertion dans la sphère médiatique est très compliquée sans école et d’ailleurs même pour les gens qui sortent des écoles de journalisme, obtenir un « vrai contrat » est un parcours du combattant. Mais, au niveau européen, le système est différent.
« Beaucoup de journalistes sont spécialisés sur une politique, et peuvent être correspondant sur ce domaine sans avoir ce système d’école de journalisme – qui est, en fait, très franco-français. »
Je pense que ma spécialisation en politiques européennes est plus intéressante qu’une spécialisation en journalisme. J’estime qu’il me faudra moins de temps pour acquérir les codes du journalisme que pour apprendre les mécanismes décisionnels européens au sein de chaque institution.
D’ailleurs, je tente déjà de me familiariser avec l’écriture journalistique via des contributions bénévoles pour le média européen Taurillon ou la réalisation d’un documentaire avec une association de mon village.
Comment se déroulaient les cours (organisation, volume horaire…) ?
Les Sciences Po de province ont différents rythmes selon la ville.
À Rennes, les deux premières années sont assez dures, presque sur le mode Prépa. Ces deux années sont pluridisciplinaires.
« Pour quelqu’un qui aime la philosophie, les sciences politiques, l’histoire, Sciences Po est très épanouissant parce qu’il y a beaucoup de travaux en groupe, d’exposés, de jeux de rôle, pas uniquement des cours théoriques. »
La deuxième année, est davantage centrée sur la politique européenne (économie européenne, droit européen, histoire de l’Europe…), c’est cette année-là qui a confirmé mon intérêt pour l’Union Européenne.
À Rennes, la troisième année d’études est à effectuer à l’étranger et l’Erasmus a véritablement achevé de me convaincre que je souhaitais orienter mon projet de vie vers l’Europe.
Je suis partie en échange à l’Université d’Édimbourg faire des études en Communication et politique pour pouvoir parler anglais et parce que c’était la meilleure université qu’on avait en termes de palmarès académique.
Le système scolaire était très différent comparé à celui de la France, j’avais seulement une dizaine d’heures de cours mais énormément de travaux personnels à rendre.
Au CELSA le rythme est beaucoup moins intense et ma formation en alternance ne me donnait que très peu d’occasions d’être en cours.
En ce qui concerne le Collège d’Europe, le rythme est intense, il y a des cours tous les jours, même le dimanche, jusqu’à 22h parfois. Il y a très peu de vacances, seulement à Noël et pas de jour férié. De plus, il y a un mémoire à rédiger sur notre « temps libre » (quasi-inexistant) !
Comment as-tu fait pour intégrer le Collège d’Europe ?
J’ai passé un oral après avoir été reçue sur dossier, dossier auquel il faut joindre une lettre de motivation et surtout des lettres de recommandation, si possible de personnes reconnues dans le milieu politique européen.
« L’entrée dans l’école se joue en grande partie sur le dossier, ce qui est valorisant si l’on a toujours été un bon élève. »
L’oral est composé d’un jury de six ou sept personnes, on est questionné dans toutes les langues que l’on a indiqué maîtriser, il faut répondre dans la langue de la question posée.
Ce sont des questions techniques sur l’UE ou liées aux études faites auparavant. Il faut bien s’y préparer, il n’y a pas de question piège, mais il faut être vraiment à l’aise avec l’actualité et surtout être à l’aise à l’oral.
Sciences Po et le CELSA m’ont beaucoup aidé pour cela parce qu’on présente beaucoup d’exposés.
Comment as-tu fait pour suivre ce parcours?
« C’est un mélange de chance et de persévérance. »
J’ose contacter des gens sur LinkedIn, s’ils ont un métier qui me fait rêver par exemple. Peut-être que mon innocence face à ce système m’a aidée.
Par exemple quand j’étais à Sciences Po j’envoyais mon CV à des endroits qui peuvent paraitre totalement inaccessibles pour faire des stages mais je ne m’en rendais pas compte.
La persévérance a payé, c’est comme ça que j’ai eu un de mes premiers stages à la Cellule Veille Médias du Ministère de l’Intérieur à Paris.
J’ai pu demander des lettres de recommandation, ça facilite les autres stages par la suite. L’année d’après j’ai fait un stage également de Veille Médias / Communication de Relations Publiques à l’OCDE, à Paris.
C’est vraiment important d’accumuler les expériences de stages même si l’école ne facilite pas toujours. À Sciences Po il faut sacrifier son été !
Si on est motivé pour aller à Paris et si on a le soutien de ses proches, ça fonctionne. Et j’ai la chance d’avoir eu leur soutien (à la fois financier et moral) tout au long de ma scolarité et encore aujourd’hui.
Qu’est-ce que tu aimes dans les études que tu fais ?
J’aime les métiers créatifs, pas au sens artistique mais au sens de l’expression des idées personnelles, notamment par l’écrit. Ce que j’aime dans le travail des porte-parolats, c’est de pouvoir convaincre les gens et exprimer mes idées par plein de canaux différents tant à l’oral qu’à l’écrit.
Mais le souci du porte-parolat, c’est que ce ne sont pas ses idées qu’on exprime et il faut vraiment être en accord avec l’institution qu’on représente et la politique actuelle.
C’est la raison pour laquelle je m’oriente plus vers le journalisme qui me parait laisser plus de liberté dans l’expression. Le projet européen me tient vraiment à cœur.
« Il y a un vrai défi en ce moment pour faire aimer l’Europe, faire comprendre l’Europe et faire changer l’Europe. »
Ce sont les trois facettes du défi qui nous attend et que j’ai envie de relever.
Tu ne t’es jamais posée de barrière ?
Je m’en suis mise et mes parents me les ont enlevées. Par exemple, après le bac, je voulais déjà être journaliste, et je visais plutôt l’IUT de Lannion mais mes parents m’ont encouragé à postuler à Sciences Po.
Aujourd’hui, je tente beaucoup de choses, j’envoie beaucoup de CV et de lettres de motivation. Je suis la première surprise lorsqu’on me rappelle.
« C’est important de croire que c’est possible parce que ça l’est. »
Lorsqu’on a les premiers retours positifs, c’est très motivant et ça donne envie de continuer. Les études montrent que les garçons ont tendance à postuler à des offres même si il y a beaucoup de critères qui ne correspondent pas totalement à leur profil.
C’est différent pour les filles qui se retiennent de postuler dès qu’elles ne rentrent pas dans un critère. J’ai vraiment pris conscience de ça au Collège d’Europe.
Ce que je pensais être mon point faible ; le fait de ne pas avoir faire Sciences Po Paris, ni d’école de journalisme, ça devient mon originalité et les employeurs sont contents d’avoir des parcours qui sortent de l’ordinaire et restent super cohérents. C’est important lors d’un entretien de souligner la cohérence de notre parcours justement.
« Il faut savoir « raconter son histoire », mettre du lien et de la suite logique entre les étapes de notre CV. »
Quel conseil donnerais-tu à un jeune?
Tentez. Tentez là où on ne vous attend pas, même si ça vous paraît impossible.
« On ne perd rien à oser des choses folles. »
Les employeurs aiment le culot d’une candidature. Envoyez des CV, des lettres de motivation, contactez les gens sur LinkedIn, contactez les entreprises qui vous font rêver. Osez.
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